EVALUATION DES EFFETS THERAPEUTIQUES D'UNE PLANTE MEDICINALE
A TRAVERS INTERNET ET LA TELEVISION : LE CAS DE LA VALERIANE
Pourquoi ne pas utiliser les moyens modernes de communication et rendre totalement publiques les essais cliniques et thérapeutiques de médicaments ou de "compléments alimentaires" qui sont en vente libre ?
Un Groupe de praticiens de la santé Norvégienne a tenté de répondre à cette question en 2007, en organisant, au travers d’Internet et de la TV, une étude-enquête avec l'aide d'internautes, sur les effets d'extraits de racine de valériane (Valeriana officinalis)(1).
ORGANISATION DE CETTE EXPERIENCE
Le but de cet essai était principalement de faire participer le public à cette évaluation en l'impliquant complètement, c'est-à-dire en lui dévoilant les "dessous" d'une évaluation clinique moderne, du début jusqu'aux résultats :
- Choix de la méthodologie.
- Choix des participants entre 18 et 75 ans : par internet, après plusieurs annonces sur un canal de télévision, en remplissant un questionnaire détaillé permettant de sélectionner des insomniaques chroniques, mais par ailleurs en bonne santé, ne présentant pas de contre-indication médicale et d'accord pour "jouer le jeu" pendant 15 jours.
- "Randomisation des cobayes humains" : les participants (405 en tout) devaient rédiger, en remplissant un questionnaire, leur "carnet de sommeil", pendant les deux semaines précédant le début de l'expérience, puis un numéro leur était attribué par ordinateur selon un protocole scientifique établi pour ce genre d'expérience. Certains recevraient la valériane, d'autres le placebo.
- Les comprimés identiques (valériane ou placebo) étaient conservés dans le même local pour éviter une différence d'odeur. Tous les participants recevaient leur comprimés par la poste. Les comprimés "actifs" contenaient 200mg d'extraits de valériane équivalent à 1200 mg de valériane ; la dose journalière était de 3 comprimés, soit 3600 mg de valériane.
- Tous les résultats étaient obtenus à travers des courriels, envoyés automatiquement tous les jours aux participants qui devaient répondre à pas mal de questions, notamment sur les effets positifs et négatifs du traitement, avec une graduation dans les réponses.
RESULTATS DE L'ENQUETE
Une différence assez faible entre la valériane et le placebo : 29 % de ceux qui recevaient la valériane ont noté une amélioration globale de leur condition de sommeil contre 21% avec le placebo.
La différence est également de 5 à 6% entre les deux groupes à propos du confort de sommeil, moins de réveils nocturnes et plus de facilité à se rendormir.
Quant à deviner la nature du comprimé : ils étaient plus nombreux à penser qu'ils avaient le "bon" comprimé dans le groupe valériane (17%) que dans celui du placebo (9%).
L'expérience-enquête a confirmé que les extraits de valériane étaient bien tolérés et sans effets secondaires désagréables.
COMMENTAIRE
Toutes les enquêtes sur l'efficacité d'un médicament ont leurs faiblesses, ou sont légèrement faussées. Celle-là a au moins le mérite d'être publique, "interactive", et d'impliquer ceux qui achèteront peut-être le médicament. Le choix de la valériane était judicieux car cette plante est très utilisée, bien que ses effets soient irréguliers sur le sommeil ou l'humeur comme l'ont montré pas mal d'enquêtes précédentes (2). Chez certaines personnes elles provoquent même de l'excitation ! La dose de 3,6g de valériane par jour était appropriée car l'effet recherché dans cette enquête était une amélioration du sommeil, pas un effet hypnotique (un peu abrutissant) qui peut s'obtenir avec 5 à 6 g de valériane.
Les Norvégiens n'ont utilisé qu'un seul extrait d'une seule marque commerciale, on peut le regretter. On aurait aimé que des phytomédicaments, à base de valériane, provenant de plusieurs fournisseurs soient confrontées. C'est le plus gros reproche qu'on puisse faire à cette enquête, car l'efficacité thérapeutique d'un extrait de plantes est variable et dépend, entre autres, de son mode de préparation et de l'origine de la plante.
L’efficacité du placebo est normale dans ce genre d’expérience et peut même atteindre 30 % quand il s’agit de tester des médicaments, qu’ils soient d’origine végétale ou purement chimique, destinés à combattre les troubles mineurs du sommeil.
On ne peut qu’approuver et encourager ce genre d’enquête qui démystifie la recherche clinique, fait connaître et permet d’évaluer des phytomédicaments ou des extraits de plantes médicinales, et obligera les fabriquants de médicaments à ne mettre sur le marché qu’une production efficace et contrôlée.
Notes
1 - Oxman AD, Flottorp S, Havelsrud K, Fretheim A, Odgaard-Jensen J, et al (2007) A Televised, Web-Based Randomised Trial of an Herbal Remedy (Valerian) for Insomnia. PLoS ONE 2(10): e1040. doi:10.1371/journal.pone.0001040
2 - voir aussi valerian dans : https://dietary-supplements.info.nih.gov/