PREPARATION DES PLANTES MEDICINALES et HUILES ESSENTIELLES
INTRODUCTION
Dans cette page nous rappelons les principes de base de la cueillette et de la conservation des plantes médicinales, ainsi que la façon de préparer les remèdes traditionnels à base de plantes médicinales dans la médecine occidentale.
Nous évoquons la préparation des phytomédicaments et faisons quelques étapes autour du monde (médecines créole, amérindienne, polynésienne, aborigène d’Australie)
Il est possible, surtout dans les zones tropico-équatoriales, d’utiliser, quand on en a besoin, les plantes médicinales qui nous entourent sans les stocker ou les conserver.
Par contre, dans les pays à saisons très marquées (sèches ou froides), on est conduit à utiliser les plantes médicinales pendant leur épanouissement, mais aussi à essayer de les conserver pour pouvoir s’en servir éventuellement plus tard pendant la mauvaise saison.
Préparer soi-même ses remèdes n’est pas une nécessité dans les pays développés, mais c’est satisfaisant de se soigner « naturellement » , c’est bon marché et cela évite aussi de consommer des médicaments de synthèse aux effets trop puissants ou inappropriés; à l’inverse, c’est souvent la seule façon d’essayer de se guérir dans beaucoup de pays où les services médicaux sont désorganisés et les médicaments de synthèse inaccessibles.
RECOLTE DES PLANTES MEDICINALES
Traditionnellement, et de façon préférentielle, les plantes médicinales sont récoltées dans leur habitat naturel mais, de plus en plus, et dans beaucoup de régions, c’est difficile à réaliser :
à cause de l’augmentation permanente des zones agricoles « traitées » par des pesticides, y compris les pâturages, les haies et les jachères
et pour certaines espèces, à cause de la disparition inquiétante des plantes médicinales à l’état sauvage, surexploitées (pour répondre à la demande croissante au niveau mondial de l’industrie pharmaceutique, des négociants et des commerçants en plantes médicinales), ou fragilisées par les modifications du milieu naturel (pollution, agriculture industrielle, agro-foresterie, désertification et broutage exagéré).
Beaucoup de plantes médicinales très recherchées sont maintenant cultivées de façon raisonnablement biologique, mais aussi parfois intensivement en utilisant engrais et pesticides.
Quand on récolte des plantes sauvages dans tous les cas, il ne faut prélever que la quantité de plantes nécessaire, si possible à l’écart des routes passantes et des zones d’agriculture intensive et enfin s’assurer de la bonne identification de la plante médicinale (guide de botanique, pharmacien, tradi-praticien ).
On récolte si possible :
Les plantes entières : à l’époque de leur floraison.
Les feuilles : après développement complet et si possible avant la floraison.
Les fleurs et les rameaux fleuris : immédiatement avant l’épanouissement total des fleurs.
Les racines des plantes annuelles : à la fin de la période végétative (fin de croissance).
Les racines des plantes bisannuelles : à la fin du repos végétatif de la première année et avant la reprise de la deuxième année.
Les racines des plantes vivaces : au cours de leur deuxième ou troisième année, avant qu’elles ne deviennent trop dures et fibreuses (lignification).
Les fruits et graines : à maturité ou très légèrement avant quand on pense sécher les fruits
Les écorces d’arbre : en hiver ou au début du printemps(ou pendant la saison sèche); les écorces d’arbrisseau : après la saison chaude (ou en fin de saison humide).
Si la plante médicinale n’est pas destinée à être utilisée dans les 24-48 heures (conservation au frais ou les pieds dans l’eau), il faut procéder à sa dessiccation ( ou à la préparation d’une teinture-mère, voir plus bas):
- séchage à l’ombre si possible, dans un espace non confiné et donc aéré : grenier, four solaire, claie ombragée
- parfois séchage au four (chaleur douce) dans les régions au fort degré hygrométrique et presque toujours, pour les grosses racines charnues, après qu’elles aient été débitées en rondelles ou morceaux.
- Une fois bien déshydratées, les plantes sont maintenues en bouquet quand on pense les employer (ou les vendre) prochainement,
- sinon on les conserve (entières, en fragments ou en poudre) dans des récipients étanches à l’air et à l’eau pendant 6 à 12 mois.
PRINCIPALES PREPARATIONS DE REMEDES
à base de plantes médicinales
PLANTES EN POUDRE
Bien desséchées, les plantes sont réduites en poudre et utilisées en l’état, sans préparation.
On peut les mélanger avec un peu d’eau ou de nourriture, mais le goût est souvent franchement désagréable surtout à cause de l’amertume beaucoup trop forte pour les humains ; on prépare alors des pilules ou gélules ou capsules de poudre sèche à avaler et qui se dissoudront dans l’estomac ou l’intestin.
INFUSIONS DECOCTIONS MACERATIONS
L’eau est le moyen le plus facile à utiliser pour extraire les parties pharmacologiquement actives des plantes médicinales.
Certains composants sont sensibles à la chaleur, d’autres difficiles à mettre en solution, on peut donc jouer sur la température de l’eau et le temps de maintien dans l’eau pour extraire spécifiquement les parties intéressantes.
L’INFUSION ou « thé » ou « tisane »
la plante sèche ou fraîche, parfois en poudre ou petit morceaux est recouverte d’eau très chaude ou bouillante, après 3 à 6 minutes, on remue légèrement et l’on filtre.
A consommer de suite tiède ou froide, on peut la conserver au frais 6 à 12 heures.
LA DECOCTION ou thé concentré
la plante sèche ou fraîche, parfois en poudre, hachée ou contuse est mise dans un récipient avec de l’eau froide, on porte à l’ébullition et on laisse frémir 10 à 20 minutes, on filtre.
La décoction peut se conserver 2 à 3 jours au froid
LA MACERATION AQUEUSE : on maintient la plante médicinale fragmentée dans l’eau froide, au frais, pendant 12 à 24 heures, on remue de temps en temps, on filtre, à utiliser dans les 6 heures.
Teinture alcolique et teinture mère
Par définition la TEINTURE-MERE est « une préparation liquide qui résulte de l’action dissolvante d’un véhicule alcoolique sur des drogues végétales FRAICHES «
La teinture-mère est obtenue par macération dans de l’alcool éthylique à différents degrés, de plantes médicinales fraîches ou « stabilisées»; si la plante est SECHE on parle de TEINTURE ALCOOLIQUE.
Hormis le fait d’utiliser de l’alcool ce qui peut être rédhibitoire pour certains, la teinture alcoolique (ou -mère) est très intéressante car facile à mettre en œuvre, le résultat est assez régulier, la concentration en substance active contrôlable (permettant une prescription facile) et sa conservation tout à fait bonne.
Voilà comment on devrait procéder :
Tri et émondage des plantes médicinales (préalablement déterminées avec soin) ou de leurs fragments.
Broyage et mise immédiate en macération dans de l’alcool (éthanol) à 95°, on ajoute au mélange la quantité d’eau distillée nécessaire pour obtenir un degré alcoolique de 60 à 70.
Parallèlement on a mis de côté une partie de la plante médicinale fraîche qui, après avoir été pesée, est mise à séchér à l’autoclave à 50°C pendant 12 à 24 Heures; on la repèse alors pour obtenir son « poids sec » qui correspond en général à 20 ou 30 % du poids frais.
Le macérât est conservé au frais, en récipient étanche et à l’abri de la lumière pendant 3 semaines, on l’agite de temps à autre.
Au bout des trois semaines on le filtre et on récupère aussi le liquide qu’on obtient en pressant fortement le résidu de la plante macérée, on mélange le tout.
On mesure le liquide obtenu et on ajuste le degré alcoolique (60°) et le volume de teinture pour obtenir le titre requis (par rapport au poids théorique de la matière sèche) :
dans une teinture au 1/10 (la plus courante en France), 1 litre de teinture correspond à 100 grammes de plante médicinale déshydratée ou 250 à 300 grammes de plante fraîche.
Les autres titres assez communs sont 1/5, 1/20.
A un niveau familial (domestique) et pour une utilisation non commerciale on peut agir plus simplement, exemple :
100 grammes de plante sèche dans 1 litre d’alcool à 60°ou 250 grammes de plante fraîche dans 1 litre d’alcool à 70° donnent, après macération de quelques semaines, filtration et expression du résidu, une teinture alcoolique environ au 1/10 dans de l’alcool entre 50° et 60°; pour une bonne conservation il ne faut pas descendre en-dessous de 45°.
Si l’on concentre par évaporation une teinture alcoolique, on obtient un « extrait fluide », titre 1/1 qui correspond à 100 gr de plante sèche dans 100 gr d’extrait fluide (beaucoup plus concentré en principes actifs).
Si l’on poursuit l’évaporation, on atteint « l’extrait mou » à consistance sirupeuse de miel
La teinture alcoolique est d’un usage très commode (usage interne et externe) et se conserve plusieurs années au frais à l’abri de la lumière (verre coloré ou opaque), dans un récipient non métallique bien étanche.
On peut l’incorporer à une lotion, une pommade, un cataplasme, un lavement et faire des mélanges, c’est-à-dire associer les teintures de plantes médicinales entre elles.
HUILES ESSENTIELLES
Par définition, les huiles essentielles sont « des produits renfermant les principes volatiles contenus dans les végétaux ».
Pour obtenir ces substances volatiles et les condenser :
- on les entraîne par la vapeur d’eau chaude qui va ensuite se condenser ; l’huile essentielle se séparant alors par différence de gravité;
- on exprime par pression le contenu des poches sécrétrices quand elles sont présentes (par exemple chez les Citrus)
- D’autres moyens existent : extraction par des solvants volatils, extraction par le gaz carbonique supercritique (très comprimé et très froid) , extraction par un solvant gras ;
Tout cela nécessite du matériel très spécialisé et est affaire de professionnels.
On peut néanmoins récupérer les principes volatils de l’huile essentielle grâce à la macération alcoolique (teinture alcoolique)
Par ailleurs les composants de l’huile essentielle devenant volatils à la chaleur, on peut donc :
- chauffer les rameaux feuillus, les bois et écorces aromatiques, les graines aromatiques, les résines (encens) et respirer ainsi les composants de l’huile essentielle qui sont absorbés par voie respiratoire;
- plonger les feuilles aromatiques dans de l’eau très chaude et obtenir un bain aromatique, en se rappelant que les composants des huiles essentielles traversent facilement la peau lors du bain.
- Les composants de l’huile essentielle sont solubles dans les corps gras : on peut employer des corps gras fondus mais c’est plus facile avec des huiles végétales (coco, olive, amande douce etc..). On obtient ainsi une huile aromatique qui contient une bonne partie de l’huile essentielle mais aussi d’autres composants liposolubles (ce qui n’est pas toujours intéressant).
PREPARATION d’un MACERAT HUILEUX ou HUILE AROMATIQUE:
- on remplit un récipient à moitié avec la plante médicinale aromatique bien sèche et grossièrement broyée et on complète avec l’huile ;
- on laisse macérer 2 à 4 semaines à température ambiante, en remuant de temps en temps. L’huile se décante, sinon on la filtre à travers un linge propre ;
- on conserve cette huile aromatique dans du verre teinté à l’abri de la lumière et la chaleur : exemples : monoï à base d’huile de coco, huile aromatique (ou infusée) aux fleurs (rose, millepertuis), aux labiées (thym, romarin, sauge etc..) .
On se servira de ces huiles aromatiques comme huile de massage, ou en application cutanée localisée (millepertuis) ou tout simplement dans la cuisine (thym, romarin).
LES PHYTOMEDICAMENTS DU COMMERCE
L’industrie pharmaceutique propose principalement :
des préparations qui correspondent plus ou moins à la plante totale :
- « jus » de plante fraîche conditionné pour se conserver
- plantes sèches fractionnée ou pulvérisée
- poudre sèche micronisée
- poudre sèche de la plante après « cryobroyage »
è suspension intégrale de plante fraîche broyée et stabilisé
des extraits :
- hydro-alcooliques, analogues à la teinture, à l’extrait fluide ou l’extrait mou;
- aqueux, analogues aux infusions, décoctions, sirops;
- secs et parfois atomisés, en poudre très fine, on parle alors de nébulisât;
- l’intrait, qui est un extrait de plante fraîche préalablement stabilisée chimiquement ;
- le macérât glycéro-alcoolique, un peu analogue à la teinture-mère mais avec adjonction de glycérine pour mieux extraire certains principes actifs des bourgeons et tout petits rameaux; ce macérât est à la base de la gemmothérapie ;
- l’huile essentielle qui permet l’aromathérapie (voir plus haut).
De plus, les laboratoires pharmaceutiques extraient les substances pharmacologiquement actives, les purifient, parfois les modifient ou s’en servent pour synthétiser de nouvelles molécules plus actives ou moins toxiques pour l’organisme.
On trouve ainsi en pharmacie des préparations très variées associant parfois plusieurs plantes, plusieurs modes préparatoires.
AUTOUR DU MONDE : QUELQUES ESCALES
LA MEDECINE CREOLE DES ANTILLES
La médecine créole des Antilles fait grand usage de l’infusion et de la décoction, on peut y mélanger plusieurs plantes ; on y distingue les « tisanes » qui rafraîchissent des « thés » (moins abondants en quantité) qui réchauffent. L’opposition du chaud et du froid (refroidissement et inflammation) équilibre la santé dans la pensée créole (on retrouve cette notion dans d’autres populations et aussi en Europe).
Si l’infusion-décoction est courante, le « looch » l’est moins, c’est un extrait aqueux concentré par évaporation.
La macération alcoolique (dans le rhum bien sur mais aussi le « cognac » ou brandy et les vins cuits) est commune, on peut y mélanger feuilles et racines, fragments de bois ou d’écorce et parfois des animaux (têtes de serpent).
On récolte le suc des plantes par expression ou après passage rapide à la flamme.
L’usage des cendres végétales sur les lésions cutanées, traditionnel en Afrique, est repris aux Antilles-Guyane.
On baigne facilement les enfants ou on les asperge avec un bain de plantes.
Les emplâtres ou cataplasmes de plantes fraîches sont fréquemment utilisés, plus rarement maintenant, le mélange plante sèche et graisse animale.
CHEZ LES AMERINDIENS DES GUYANES
Chez les Amérindiens des Guyanes la récolte, la préparation et l’emploi des plantes se font généralement dans la journée ; la forêt est omniprésente autour du village.
Toutes les parties végétales sont utilisables : feuille, bourgeon, fruit et graine, fleur, écorce et bois, racine, sève et latex, exsudat.
Les plantes sont macérées dans de l’eau froide ou préparées en décoction.
Parfois les feuilles sont « cuites » lentement à feu doux au-dessus des braises pour être réduites ensuite en poudre ou pour produire une « fumée médicinale ».
On recueille le suc des feuilles, des bourgeons, on amollit les écorces en les passant plus ou moins rapidement au-dessus d’une flamme.
Chez les Amérindiens, on absorbe par la bouche les préparations du guérisseur, mais on procède assez souvent à des « lavages » externes en utilisant une calebasse de préparation qu’on verse sur la tête et les épaules, on s’en rince aussi la bouche sans avaler.
Le bain de vapeur avec des plantes est plutôt réservé aux chamans ou guérisseurs pour favoriser leur « vision ».
La friction corporelle avec des feuilles ou des écorces parfois passées à la flamme pour les ramollir ou les faire « suer », les emplâtres de plantes ou de sève sont communs.
EN POLYNESIE
En Polynésie, on n’utilise pas d’infusion ou de décoction.
Les plantes médicinales (plantes entières, feuilles, fleurs, fruits, racines, bois, écorce) sont en général broyées au pilon de pierre et mélangées avec l’eau de la noix de coco verte (à des degrés de maturation qui dépendent de la recette) ou dans le lait de coco (préparé de façon spéciale également, parfois avec des noix immatures) ou dans l’huile de coco. De la cassonade est parfois ajoutée pour diminuer l’amertume ; la préparation est soigneusement filtrée avec des fibres végétales.
Dans certains cas on applique directement la plante broyée ou son jus pur sur la partie malade ou douloureuse.
L’emplâtre que l’on laisse en place et le liniment sont bien connu des polynésiens.
Les recettes associent le plus souvent différentes plantes.
LES ABORIGENES D’AUSTRALIE
Les Aborigènes d’Australie étaient considérés par les premiers colons comme des gens en bonne santé bien que vivant dans des conditions très dures ; ils avaient recours aux plantes de la brousse australienne pour aider à cicatriser les plaies et ulcères, à lutter contre la diarrhée, les douleurs musculaires, les infections oculaires et les « ophtalmies inflammatoires » assez fréquentes, les plaies dues aux piqûres venimeuses etc.
Comme souvent dans la médecine traditionnelle, les plantes possèdent aussi une valeur symbolique, clanique, une capacité à guérir attendue par l’Aborigène mais qui déroute le pharmacologue moderne.
A la différence des Polynésiens, ils utilisaient souvent l’infusion-décoction aqueuse.
Comme beaucoup de population vivant très près de la nature, ils employaient beaucoup les plantes fraîches : la sève, le latex, les feuilles ainsi que les jeunes pousses, et l’écorce écrasées en emplâtre ou en application temporaire. Les feuilles mâchées mais dont on recrache le jus pour les affections de la bouche et les douleurs dentaires.
Les Aborigènes d’Australie avaient découvert le puissant effet physiologique de la nicotine.
Il existe en effet dans la brousse australienne des Solanaceae des genres Duboisia et Nicotiana ; les feuilles du petit arbre Duboisia hopwoodii étaient les plus recherchées (à différencier de D. myoporoides et D. leichardtii qui contiennent plutôt d’autres alcaloïdes, scopolamine ou hyoscyamine, (voir Datura)). On chiquait ces feuilles et plus tardivement on les fumait en copiant les Européens.
Les feuilles et les rameaux fleuris étaient séchés, réduits en poudre et conservés précieusement dans une petite bourse (car on ne trouve pas partout le « bon » Duboisia), ou alors séchées au feu, puis humidifiées et roulées à la manière d’un cigare mais après avoir été mélangées avec de la cendre végétale d’arbres particuliers et quelquefois de cire végétale pour mieux les coller ensemble.
Pendant la mastication les composés basiques de la cendre libéraient la nicotine de la chique, augmentant ainsi l’effet ressenti (la chaux de la chique de bétel en Asie ou de coca en Amérique du Sud est là aussi pour favoriser la libération des alcaloïdes).
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