MANCENILLIER ET PALETUVIER AVEUGLANT

LE MANCENILLIER, HIPPOMANE MANCENILLA, ET LE PALETUVIER AVEUGLANT, EXCOECARIA AGALLOCHA

Ces deux arbres tropicaux au latex toxique et corrosif, se rencontrent aux abords de certaines plages tropicales ; des gardiens du jardin d’Eden en quelque sorte.
Le MANCENILLIER, Hippomane mancenilla, est originaire de la région Caraïbes : Antilles, cote Nord de l’Amérique du sud, Amérique centrale, Mexique et Grandes Antilles.
Le PALETUVIER AVEUGLANT, Excoecaria agallocha, est présent dans le Pacifique sud-ouest (notamment en Nouvelle-Calédonie) , l’Australie et la région Indo-Malaise.
Tous deux font partie des EUPHORBIACEAE, poussent sur le littoral, y compris dans les zones arides, au sol caillouteux ou au contraire humide et marécageux, mais toujours près de la mer.

Le MANCENILLLIER est un arbre typique et commun du littoral des Antilles, pouvant atteindre 15-20 m, au tronc grisâtre et aux feuilles luisantes ; ses fruits, qui jonchent souvent le sol, ressemblent à de petites pommes vertes et en possèdent l’odeur aldéhydique de pomme reinette. Près de certaines plages les mancenilliers sont prédominants, poussant en taillis.

Le PALETUVIER AVEUGLANT de l’Océan Pacifique et de l’Océan Indien est un arbre de taille moyenne, au tronc tordu et au feuillage virant au rouge quand il se fane. Les arbres sont mâles ou femelles et possèdent donc des inflorescences très différentes qui au premier coup d’œil pourrait faire douter qu’il s’agisse de la même espèce. Excoecaria agallocha se développe toujours assez près du littoral marin et souvent au milieu des rochers ou des pierres, isolé ou en petit groupe.

LA SEVE (LATEX) DE CES DEUX ARBRES EST REDOUTABLE : CAUSTIQUE ET TRES TOXIQUE. Néanmoins, les pharmacologues ont isolé des substances intéressantes à partir de ces deux euphorbiacées.

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LE MANCENILLIER DES ANTILLES : HIPPOMANE MANCINELLA
Dans les Caraïbes, il est classique d’évoquer  » l’ombre mortelle du mancenillier » et les Antillais préviennent toujours les nouveaux arrivants du risque qu’il y a à se réfugier sous un mancenillier en cas de pluie.
D’ailleurs les mancenilliers ont été quasiment tous coupés près des plages touristiques ou alors ont leur tronc cerclé d’une bande rouge pour bien les distinguer.
Le contact cutané avec la sève de cet arbre provoque en quelques heures une dermite inflammatoire avec apparition d’ulcérations cutanées.
Le latex de mancenillier dans l’œil est une expérience très douloureuse et qui nécessite des soins immédiats : lavage oculaire, collyre anti-inflammatoire.
Quand on brûle du mancenillier la fumée est également très irritante pour les yeux et les muqueuses respiratoires.
Le pire étant bien sur de croquer dans cette petite pomme au goût un peu sucré et à l’odeur de reinette : en quelques secondes ou minutes on ressent une sensation de brûlure buccale et surtout pharyngée avec très rapidement une quasi-impossibilité à déglutir car l’œdème est important et la douleur intense. Ces symptômes douloureux et l’inflammation de la gorge persistent 6 à 12 heures dans le meilleur des cas et sont atténués quand on arrive à boire du lait ou une boisson lactée.

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On rapporte que les Indiens « Caraïbes » enduisaient certaines de leurs flèches de guerre avec le latex du mancenillier et de son cousin végétal Hura crepitans. Ces pointes de flèches empoisonnées en bois dur étaient découpées de façon à se rompre et persister dans le corps de l’ennemi provoquant la mort en quelques jours.
Le mancenillier rentrait dans la composition des poisons de guerre qui furent utilisés par les Indiens notamment contre les conquistadores et les premiers « colons » aux Antilles (empoisonnement des flèches, des lances et des points d’eaux).

PHORBOL, TIGLIANE, DAPHNANE, SUBSTANCES TOXIQUES MAIS POTENTIELLEMENT UTILISABLES PAR LA RECHERCHE MEDICALE

  • Les substances irritantes sont retrouvées à la fois dans les fractions hydrophobes et hydrosolubles.
    Les composants hydrophobes sont des diterpènes de structure tigliane et daphnane qui deviennent irritants après activation (estérification) ; ils sont de toutes façons beaucoup moins caustiques que les composés hydrosolubles également de structure tigliane et daphnane.
  • Le facteur irritant hydrosoluble de type daphnane est très voisin de l’huratoxine extrait d’Hura crepitans ,autre arbre des régions tropicales des Amériques dont le latex est aussi un poison de flèche.
  • Ce composé irritant et caustique est de plus une substance potentiellement cancérigène (qui favorise l’apparition de cancer) à la manière du TPA (12-O-tétradécanoylphorbol-13-acétate) utilisé par les chercheurs en cancérologie pour provoquer rapidement des cancers cutanés chez la souris. C’est un très puissant inducteur de tumeurs, notamment par activation de la protéine kinase C ; actif à concentration extrèmement faible (nanomolaire).
  • La prostratine ( 12-Déoxyphorbol-13-acétate) été isolée pour la première fois à partir de Pimelea prostrata en 1976 et redécouverte plus tard dans Homalanthus nutans (communément appelé arbre de Malala, Euphorbiaceae). Il s’agit d’un ester de phorbol mais qui lui n’est pas cancérigène, il est étudié pour sa capacité à faire « sortir » les formes latentes du virus du SIDA cachées dans des lymphocytes et qui sont susceptibles de réactiver la maladie.
    D’autres diterpénoïdes tigliane et daphnane , qui activent également le virus du SIDA latent, ont semble-t-il une capacité à inhiber la réplication du virus donc à bloquer la maladie virale.

Copyright : Dr Jean-Michel HURTEL

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